10000 gestes de Boris Charmatz

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10000 gestes, chorégraphie de Boris Charmatz.

Combien fallait-il de paires d’yeux pour regarder l’étonnante chorégraphie 10000 gestes de Boris Charmatz, donnée sur l’immense plateau du Théâtre national de Chaillot totalement mis à nu pour l’occasion, excepté quelques néons verticaux suspendus aux cintres ? Un espace immense qu’une première danseuse investie à pleine vitesse dans un enchainement de gestes qu’on n’aura plus l’occasion de revoir : aussitôt faits, aussitôt disparus.

10000 gestes Boris Charmatz
10000 gestes © Brotherton Lock

Avec ce solo d’introduction on comprend que tous les gestes qui nous serons donnés à voir par la suite relèveront de ce double registre paradoxal de la vitalité et de l’éphémère, de la vie et de la mort. Pour preuve le requiem de Mozart écho lointain en début du spectacle et qui joué tout au long de la pièce vaut comme célébration de ces chers disparus morts nés que seront tous ces gestes à venir. Une fois cette présentation opérée, plus d’une vingtaine de danseurs et danseuses vont se ruer sur le bord du plateau pour entamer une débauche gestuelle comme dans un film que l’on regarderait dans sa version accélérée.

Débordement de gestes.

Rien ne nous semble inconnu et pourtant on est très vite débordé par cette immensité de possibilités qui se déploie devant nous : ou regarder, qui regarder. Notre regard va des uns aux autres cherchant à ne rien perdre de ce qui n’est déjà plus là, puis abandonne rapidement l’idée de tout englober. Car il faut bien l’avouer, dans un premier temps tout nous échappe de cette folie furieuse. Malgré tout, peu à peu, et c’est là probablement tout l’art du chorégraphe que de donner un semblant d’organisation à ce chaos insensé, des regroupements de danseurs dans l’espace, des changements d’impulsion, des gestes qui semblent faits en commun, l’émergence de tableaux vivants en perpétuel mouvement qui pourraient emprunter quelques fois à l’iconographie picturale (on croit reconnaître un court instant Le Radeau de la Méduse de Géricault) vont permettre au spectateur d’organiser son regard.

Pas de gestes héroïques dans ce spectacle ou de gestes ‘bien faits’ car ils sont tous pour beaucoup empruntés à la vie de tous les jours, gestes triviaux mêmes, tirés de toutes les actions que nous accomplissons en conscience chaque jour, mais aussi pour beaucoup d’entre eux sans y prêter attention. Pour celles et ceux qui ont vu ou participé à la pièce plus ancienne de Boris Charmatz Levée de Conflits au 104 en ce début de mois, il est aisé de voir les liens qui unissent ces 2 créations : la première s’étale dans une de ces multiples versions sur un temps long répétant plusieurs fois une même séquence de 24 gestes ; la seconde exige par contre des danseurs qu’ils accomplissent plus de 400 gestes différents pour chacun d’entre eux sur une durée réduite d’une heure.

Mais pour autant on retrouve la même exigence de précision du geste effectué. Aucune mollesse, indécision, approximation. Aussi furtifs soient-ils, ces 10000 gestes sont reconnaissables immédiatement et produisent sur nous des images mentales et des sentiments, des affects immédiatement identifiables car ils portent en eux notre humanité partagée, à la vie à la mort.

10000 gestes vu à Chaillot.

Fous de Danse : 10 heures non-stop de danse au 104.

Un vrai succès pour cette première « Fous de danse » au 104 à Paris sur une proposition de Boris Charmatz et du Musée de la Danse – CCN Rennes-Bretagne, avec 11000 visiteurs/participants/spectateurs.

Levée de conflits au 104 @ avoiretadanser
Levée de conflits au 104 @ avoiretadanser

A bras le corps, pièce de Boris Charmatz et Dimitri Chamblas.

Dans le même cadre Parades for Fiac, A bras le corps , la première pièce de Charmatz était programmée sous la verrière du Grand Palais, interprétée pour l’occasion par Karl Paquette et Stéphane Bullion, danseurs de l’Opéra de Paris. 


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