Distances d’Ashley Chen

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(A bonnes) Distances, la dernière création d’Ashley Chen.

Le chorégraphe Ashley Chen présentait à l’Atelier de Paris/CDCN sa dernière création dans le cadre du festival Faits d’hiver. Le titre Distances pourrait sembler faire référence à ce temps présent où l’on sait combien cette question de la (bonne) distance entre les individus a été, et reste encore d’actualité. D’autant plus que les interprètes portent durant tout le temps de la pièce un foulard qui leur masque l’entièreté du visage, ce qui est un peu plus que recouvrir la bouche et le nez.

Or les conséquences de la crise sanitaire ne constituent pas le propos direct de la pièce. Le chorégraphe rapporte que c’est au cours d’un déplacement en RER il y a plusieurs années, que s’était posée à lui la question de l’espace vital entre individus. D’où cette interrogation : à quelle (bonne) distance de l’autre sommes-nous dans un espace donné ? Problématique qui est celle déployée sur le plateau dans Distances d’Ashley Chen.

Un espace saturé d’une accumulation de gestes.

Lorsqu’on entre dans la salle, les 10 interprètes femmes (9 ce soir-là), sont réparties tout autour du plateau, le visage recouvert du même foulard vert d’eau. Aussi on ne pourra s’attarder sur les visages des danseuses, leurs yeux et leurs expressions, car c’est ailleurs que le chorégraphe exige notre regard : sur les gestes et leur physicalité, sur les déplacements et sur les espaces qui se font et se défont entre les interprètes. 

Peu à peu à partir de gestes, répétés, presque mécaniques, de séquences de déplacements en boucle, les situations se juxtaposent, se télescopent et se transforment sans cesse, les relations et les distances entre les danseuses font de même épousant toute la gamme de proximités possibles entre individus, du lointain au proche jusqu’au toucher. C’est foisonnant, étrange, voire drôle quelques fois et ça ne s’arrête jamais comme le monde qui est le notre. Car tout cela est de nous et nous appartient. Des courses comme des fulgurances viennent aussi ramasser les situations les plus improbables dans un même espace.

Un voyage psychédélique sonore.

Pour conforter cette vague incessante d’actions qui se déposent par couches successives, ou lui donner d’autres horizons d’interprétation, la bande son réalisée par Pierre Le Bourgeois dessine des paysages sonores constitués d’enregistrements réalisés au cours de voyages : voix, chants, bruits urbains divers sont là pour renforcer l’expérience du spectateur que le chorégraphe souhaiterait comme un voyage psychédélique. On comprend mieux alors la diffusion de Atom Heart Mother des Pink Floyd daté de 1970 durant l’entrée en salle des spectateurs. Le voyage (halluciné ?) auquel nous sommes conviés débute donc avec cette pièce du psychédélisme musical comme une porte d’entrée dans cet étrange univers de situations et d’actions simultanées, déplacées et condensées (comme le fait aussi le travail du rêve) qui se dissolvent, altérant notre perception d’un monde qui reste tout de même un peu le nôtre.

Conception et chorégraphie : Ashley Chen
Interprétation : Alexandra Damasse, Olga Dukhovnaya, Peggy Grelat-Dupont, Catherine Legrand, Haruka Miyamoto, Andréa Moufounda, Solène Wachter, Magali Caillet-Gajan, Pauline Colemardet, Flora Pilet.

Site de la cie Kashyl
Dégringolade ou l’art de rester debout, création en cours d’Ashley Chen 2023-24, voir le portfolio.

Distances d’Ashley Chen : vu à l’Atelier de Paris/CDCN + bord de plateau le 22/01/2022.
Visuel : Distances @ Ory Meuel Minie