Rencontre avec Bruno Péguy cofondateur du Jerk Off Festival.

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Jerk Off est un festival pluridisciplinaire et queer qui accorde une place importante à la danse et à la performance. Nous avons rencontré Bruno Péguy, l’un de ses fondateurs pour en savoir plus sur ce festival qui existe maintenant depuis plus d’une dizaine d’années. Nous publions aussi cet entretien à l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie qui a lieu le 17 mars et à laquelle est associé Jerk Off dans une programmation à découvrir au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris.

Comment est né le Jerk Off Festival ?

B.P. Ce festival est avant tout un festival militant. A sa création il y a une quinzaine d’années, on souhaitait se positionner comme un off artistique de la Gay Pride. Les médias avaient tendance à ne retenir de la Gay Pride que les images de drag queens pour lesquelles j’ai par ailleurs le plus grand respect. Mais je souhaitais faire passer un message autre. A la même époque j’étais en résidence à Amsterdam et Londres qui avaient déjà développé leur festival artistique. On a souhaité créer l’équivalent ici à Paris.

J’ai monté ce festival avec Patrick Thévenin qui était à l’époque journaliste à Nova Mag et aux Inrock et Stéphane Viard qui est maintenant manager d’artistes. De mon côté j’organisais des soirées gay lesbiennes ouvertes à tous avec de la bonne musique électro. Au début on s’est calé sur les dates du défilé de la Gay Pride en juin. Finalement cette journée est devenue très politique avec le mariage pour tous, aussi on a décidé de se porter sur d’autres dates. 

Actuellement le festival se tient au mois de septembre. La toute première édition a eu lieu au Nouveau Casino et restait encore orientée musique. L’idée d’élargir vers la danse et la performance est venue assez naturellement parce qu’on ne souhaitait pas fixer des limites à nos coups de cœur. Par ailleurs la danse me semble être la forme qui s’ouvre peut-être le plus aux autres formes artistiques : sur scène, en danse, il peut y avoir de la voix, du texte, de la vidéo, de la musique. Finalement, La danse s’est imposée comme la forme artistique la plus complète et la plus large qui nous permet de montrer le travail d’artistes très différents. 

Ensuite pour la communauté LGBTQ+ et la signification de ce qu’est le queer, l’essentiel est la question de la réappropriation du corps, de ce qu’on veut pouvoir faire avec son corps, qu’il s’agisse de lesbiennes qui souhaitent porter un enfant, ou de personnes qui sont en transition d’un sexe vers un autre. La danse et la performance sont sans doute des pratiques artistiques qui peuvent répondre le mieux à ces questionnements autour du corps.

Mais au final, on ne cherche pas à connaître la sexualité des artistes qu’on invite au festival. Leur vie privée leur appartient. Aussi préfère-t-on parler de fragilité : fragilité d’une forme, fragilité d’un travail à montrer à un public. La danse s’est donc imposée comme le medium le plus à même de rendre compte de cette fragilité qui nous intéresse. L’essentiel du festival est donc articulé pour l’instant sur une programmation danse / performance. Mais il y a aussi une exposition photo qui nous permet d’avoir une autre forme d’intervention à l’intérieur du festival.

Comment se fait la rencontre avec les artistes : appel à projet, travail de prospection ?

B.P. Nous ne faisons pas d’appel à projet car on est juste une petite équipe de 8 personnes. On reçoit de nombreuses propositions et de notre, côté on va voir beaucoup de spectacles. Nous travaillons aussi beaucoup en relation avec Danse Dense qui nous aide à repérer de jeunes artistes et à voir des travaux en cours. Egalement avec L’ONDA qui est un organisme qui aide à la diffusion des spectacles et qui est un partenaire très important pour le festival.

Il y a aussi les salles avec lesquelles on travaille. Le Point Éphémère est un vrai partenaire et de plus c’est un lieu global dans le sens où c’est à la fois une salle de concert, un lieu d’exposition, un studio de danse et un lieu de résidence. Avec la nouvelle équipe on a pu mettre en place un accueil des artistes pendant une semaine pour qu’ils puissent répéter et prendre possession du lieu avant de se produire. Le Centre culturel Suisse et le Centre Wallonie-Bruxelles sont eux des lieux qui nous permettent d’accueillir des artistes étrangers. Le CWB est notre partenaire dans l’organisation de manifestations dans le cadre de la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie du 17 mai (cf la programmation sur le site du Centre Wallonie Bruxelles).

Nous sommes toujours à la recherche de salles pour programmer le festival. On est en relation avec la Fondation des galeries Lafayette. On aimerait avoir des possibilités avec la Fondation Pinault ou le Centre Pompidou. Pour autant on continue de travailler avec le Point Éphémère mais pour un petit festival comme le nôtre, c’est toujours financièrement très compliqué même si la Mairie de Paris nous soutient depuis le début. On est un festival tout de même très politique puisqu’on parle du corps et du genre, il faut donc toujours se battre pour obtenir des aides et des subventions.

Pour suivre toute l’actualité de Jerk Off tout au long de l’année c’est par ici Jerkoff festival.